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Transférer un contrat d’assurance vie, mode d’emploi

Tous les contrats d’assurance vie sont concernés par cette possibilité de transfert. Nos conseils pour le mener à bien dans les meilleures conditions.

Crédit: iStock.

Qu’on se le dise, la loi Pacte, si elle instaure le transfert de contrats d’assurance vie, est peu diserte sur les modalités de sa mise en œuvre. Seule certitude : l’opération de transfert – dite de « transformation » dans le texte de loi –, doit s’effectuer au sein du même assureur. Pour le reste, il faut lire entre les lignes et poser quelques hypothèses, aucune compagnie n’ayant pour l’heure précisé son modus operandi.

Sachez qu’en 2020, pas avant, l’assureur devra vous préciser les conditions du transfert dans son établissement. Par exemple, s’il facture l’opération. Ou s’il ne l’autorise que sur certains contrats précis. Pourquoi attendre que l’on vous dicte votre conduite ? Voici, en dix questions/réponses, l’essentiel à savoir pour agir en toute autonomie.

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Quel type de contrat est transférable ?  Doit-il avoir une ancienneté minimale ?

Tous les contrats d’assurance vie à vocation d’épargne (par opposition aux produits de prévoyance) sont concernés par cette disposition. C’est-à-dire les contrats monosupports en euros (ayant seulement un fonds en euros) comme les multisupports. Un monosupport sera ainsi transférable vers un multisupport ou un multisupport vers un autre.

Et un multisupport vers un monosupport ? A priori, rien ne l’interdit, mais rares sont aujourd’hui les offres monosupports commercialisées. Autre point clé, aucune condition n’est posée quant à l’âge du contrat. Autrement dit, que ce dernier soit ancien ou récent n’y change rien, le transfert est envisageable. Ces deux éléments rendent le dispositif accessible à l’ensemble des détenteurs d’une assurance vie.

A noter : les souscripteurs de contrats de capitalisation, placements quasi identiques à l’assurance vie, pourront, eux aussi, troquer leur vieux contrat contre un produit de dernière génération.

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Ai-je le choix du contrat vers lequel migrer ?

Sur le papier, oui. Dès lors que l’opération a lieu chez le même assureur, rien ne limite dans le texte de loi votre champ des possibles. Vous pourrez donc théoriquement demander à migrer sur n’importe quelle assurance vie, y compris dans un réseau de distribution différent. Attention, le transfert ne pourra pas être réalisé sur un contrat que vous possédez déjà par ailleurs, il vous faudra en ouvrir un autre.

Et en pratique, à quoi s’attendre ? Soyez réaliste, cette liberté sera fortement limitée par les assureurs. Ils vous proposeront un ou quelques contrats réceptacles et, face à leur insistance, vous aurez du mal à passer outre. D’autant qu’ils se retrancheront derrière leur devoir de conseil pour orienter la migration. Enfin, l’épargnant doit faire la distinction entre l’assureur (dont l’identité est indiquée au début de la notice contractuelle) et son distributeur et conseiller. Sur ce point, la Fédération française de l’assurance (FFA) rappelle qu’il est déjà admis de changer de distributeur via un ordre de remplacement, à condition d’avoir l’aval de… l’assureur.

Quelles sont les conséquences fiscales ?

Elles sont nulles, puisqu’aucun rachat n’est opéré par l’assuré. Ce qui signifie que le changement se fera en conservant la fiscalité propre au contrat quitté. Aucun assureur ne conteste ce point. Exemple : vous détenez une assurance vie A souscrite en 2009 avec des versements avant vos 70 ans. Vous transférez le capital sur un contrat B du même assureur. Celui-ci gardera la date de souscription de 2009, donc toute son antériorité fiscale, et le fait que les versements aient été effectués avant 70 ans, même si vous êtes plus âgé lors du transfert.

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C’est évidemment l’élément moteur, la fiscalité étant – souvent à tort – un frein à la mobilité des placements. L’administration fiscale devra apporter quelques précisions pour des points spécifiques, par exemple sur le sort des plus-values perçues à l’occasion de la vente de fonds lors du transfert.

Dois-je transférer la totalité de mon capital ? Faut-il respecter des conditions d’investissement ?

Non, tout est laissé à votre appréciation. Le transfert peut être partiel ou total, ce qui signifie que vous pouvez aussi conserver pour partie votre vieux contrat. Aucune condition d’investissement sur des fonds risqués (unités de compte) n’est exigée dans le texte de loi, contrairement au dispositif Fourgous

Pour les assurés qui veulent toujours investir 100 % de leur mise sur le fonds en euros (garanti en capital), c’est possible sur l’ancien comme sur le nouveau contrat. Un assureur imposant un minimum de versement sur des unités de compte, même faible (2 % par exemple), serait en contradiction avec la loi. Malgré cela, certains envisagent d’introduire des seuils avant tout transfert. Attendez-vous donc à des pressions de votre assureur qui a, lui, avantage à vous voir prendre le chemin des unités de compte, puisque c’est plus de frais à facturer et moins de fonds propres à mobiliser à la clé.

Que deviennent les fonds actions de mon ancien contrat ? Qu’en est-il de mon taux garanti ?

Si vous détenez un multisupport avec de l’argent placé pour partie sur des unités de compte – fonds actions, obligataires, etc. – pourront-elles être transférées telles quelles ? Probablement pas, l’assureur devra procéder à un arbitrage vers les supports éligibles dans la nouvelle enveloppe.

Attention alors à votre situation :  ces fonds sont-ils en moins-value, ce qui rendra leur vente pénalisante ? en plus-value, ce qui permettra de purger les plus-values sur un plan fiscal lors du transfert ? Ce dernier point reste à éclaircir. Concernant les taux garantis, prudence aussi. Quelques assurés disposant de très vieux contrats bénéficient d’un rendement garanti sur le fonds en euros, de 4 à 6,75 % pour les mieux servis.

Passer sur un autre contrat vous fera certainement perdre cet avantage important au regard des rendements servis actuellement sur les fonds en euros (1,80 % en moyenne). Résistez cette fois à toute incitation au transfert. Cette position est aussi valable si vous possédez une assurance vie aux caractéristiques particulières non modifiables sans votre consentement, comme un taux de rente garanti, une garantie décès très avantageuse, un accès à certains supports financiers atypiques, etc.

Faudra-t-il payer des frais ?

Probablement pas. Mais rien n’est certain en la matière. Les assureurs pourraient même rendre cette opération payante afin de freiner les ardeurs d’épargnants téméraires qui voudraient sortir du cadre formaté. La décision relèvera de la politique commerciale de chaque compagnie.

Evidemment, le mieux sera un transfert sans frais : vous aviez 10 000 euros sur votre ancien contrat, ce sont 10 000 euros qui sont réinvestis sur la nouvelle enveloppe. Le moindre mal : l’assureur applique un coût forfaitaire, par exemple 50 euros de frais de dossier. Le pire : il ponctionne le capital qui a été transféré en se calant, par exemple, sur le taux contractuel de frais sur versements prévu dans le contrat réceptacle (jusqu’à 5 % au maximum).

Quoi qu’il en soit, si frais il y a, ils seront négociables. Ne vous privez pas de les faire baisser voire, carrément, supprimer. Ensuite, soyez bien informé des frais de l’assurance vie sur laquelle vous transférez votre capital, notamment ceux pris chaque année sur les sommes en compte. Gare au marché de dupes !

Quand réclamer ce transfert ?

Dès maintenant, la mesure étant applicable en l’état. Rappelons que la loi Pacte est entrée en vigueur le 23 mai dernier. Habiles, les assureurs tentent depuis de gagner du temps, répétant attendre les textes d’application pour réaliser les premières opérations de transfert.

Comme l’a confirmé la FFA, vous pouvez d’ores et déjà faire une demande de transformation de votre contrat auprès de votre assureur. Mais sera-t-il en mesure d’y répondre ? C’est toute la question. A l’amorce de l’automne, force est de constater que les compagnies continuent de traîner les pieds, avançant des contraintes informatiques ou d’autres priorités à traiter (le lancement du nouveau produit d’épargne retraite issu, lui aussi, de la loi Pacte).

En coulisses, il en va autrement : les gros assureurs définissent les listes de contrats transférables, les argumentaires pour contrer les demandes hors norme et, surtout, préparent des incitations balisées (avec une enveloppe réceptacle) pour la fin de l’année ou le début de 2020.

Quelle est la procédure à suivre pour le demander ?

Il n’existe aucun modus operandi standard. Votre premier réflexe sera de contacter votre interlocuteur habituel (conseiller bancaire, agent général, courtier, etc.) pour lui faire part de votre requête. Qu’elle soit précise (vous avez ciblé le contrat) ou non, jaugez sa réaction. S’il vous propose aussitôt un contrat réceptacle, prenez le temps de la réflexion.

Le transfert, c’est un acte administratif, donc un peu lourd avec la souscription d’un nouveau contrat (ou la signature d’un avenant). Sachez que vous pourrez faire machine arrière, puisque vous avez un délai de rétractation de trente jours pour toute assurance vie souscrite. Si votre conseiller botte en touche, arguant que le dispositif n’est pas finalisé chez l’assureur, revenez à la charge quelques semaines plus tard.

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S’il persiste, écrivez une lettre avec accusé de réception à la direction du service clients de la compagnie d’assurances, dont le nom et l’adresse figurent au contrat, pour obtenir le transfert de votre contrat sur tel autre conformément à la loi Pacte (n° 2019-486 du 22 mai 2019). Si en retour, on vous indique que l’opération est impossible, n’hésitez pas à en informer l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), mais pensez aussi à alerter notre rédaction. Et envisagez les alternatives au transfert.

Mon assureur a-t-il la possibilité de le refuser ?

Oui et non. Oui, si l’on en croit les services juridiques des compagnies, qui rappellent que l’assurance vie est un contrat entre deux parties, nécessitant donc l’accord de chacune pour être modifié. Vu ainsi, la possibilité de transférer son assurance vie serait non pas un droit nouveau pour l’assuré, juste une opportunité laissée à l’appréciation des parties (vous et l’assureur).

D’autres éléments techniques pourraient être avancés. Par exemple, les fonds en euros des associations d’épargnants sont souvent cantonnés, c’est-à-dire isolés des actifs en euros des assureurs. Tout transfert pourrait y être refusé, un afflux massif de capitaux étant une mauvaise nouvelle pour leur avenir compte tenu des conditions actuelles d’investissement sur les marchés (taux obligataires très faibles). Mais ces arguments sont-ils en phase avec l’esprit de la loi ? Non, résolument. C’est pourquoi certains professionnels soulignent qu’il sera impossible à un assureur de s’opposer à un transfert, sauf justification très étayée. Et que l’ACPR fera rapidement pression, voire sanctionnera les sociétés récalcitrantes.

Entre filiales de l’assureur, le transfert est-il possible ?

C’est un point controversé. Selon la loi toujours, le transfert doit avoir lieu chez une « même entreprise d’assurance ». Que faut-il entendre par là ? Deux cas sont possibles. L’approche consumériste consiste à prendre un angle large, considérant l’assureur en tant que groupe, donc intégrant ses différentes filiales. Autre approche, défendue par les assureurs : les filiales sont juridiquement des entités différentes, donc tout transfert d’une filiale à une autre sera retoqué.

Prenons l’exemple du Crédit Agricole Assurances, qui regroupe en son sein plusieurs « entreprises d’assurance » vie, dont Predica, qui gère les contrats de la Banque verte et de LCL, et Spirica, aux manettes des offres distribuées sur le Web ou via des conseillers indépendants. Selon la position première, un assuré ayant un contrat de la banque pourrait le faire migrer sur un contrat géré par Spirica. Mais aux dires de la seconde, en aucun cas. La différence d’interprétation emporte des conséquences importantes pour les épargnants. Et pour cause, nombre de contrats de bonne qualité sont aux mains des filiales des grosses compagnies.