Pour Florian Allain, « la thématique du rendement reste une option attrayante en Bourse »
Alors que de nombreux groupes ont renoncé à verser un dividende au titre de 2019, pour des raisons économiques ou sous pression politique, Florian Allain, gérant du fonds Rendement chez Mandarine Gestion, nous explique pourquoi la thématique du rendement reste une option attrayante en Bourse.

Beaucoup de groupes ont renoncé à verser un dividende au titre de 2019. Quelles sont les entreprises qui sont encore en mesure de le faire ? Et pour quel rendement ?
La crise que nous traversons est assez classique, elle se traduit pour les entreprises par une baisse des cash flows générés. Ce qui entraîne, pour des raisons de préservation des liquidités, certains groupes à suspendre le versement de leur dividende.
Là où la situation diffère des autres crises, c’est que des injonctions politiques et sociétales sont venues se greffer sur ces contraintes économiques.
L’exemple le plus frappant est celui des banques qui avaient les moyens de distribuer cette année un dividende, et qui ont décidé de le suspendre sous la pression du régulateur européen et du gouvernement.
D’autres groupes ont également cédé à la pression « politique », comme Orange et LVMH. Tous deux ont décidé de baisser de 30% leur dividende 2019 par rapport au montant initialement annoncé alors qu’ils étaient en mesure d’y faire face.
Dans le « pool des valeurs offrant un rendement visible et conséquent » figurent les valeurs pharmaceutiques, dont Sanofi, qui procurent entre 3 et 4% de rendement. Alors que leur activité offre déjà une bonne visibilité, elles se retrouvent au cœur des préoccupations post-Covid. Avec un bémol pour Sanofi qui n’est pas à l’abri d’une pression extérieure.
Dans une seconde catégorie se classent les groupes qui possèdent une grande capacité à verser un dividende récurrent, à l’instar d’Air Liquide et d’Hermès, mais qui procurent un rendement faible.
Pour espérer des rendements élevés, il faut aujourd’hui se projeter sur 2021 et partir du principe que la crise sanitaire aura certes un effet brutal sur l’économie mais qu’il sera contenu dans le temps. Il faut anticiper que la croissance générée l’année prochaine permettra de reconstituer les capacités de croissance bénéficiaire des entreprises et donc leur capacité à distribuer un dividende.
Sur cette base, il est alors possible de revenir sur des groupes qui avaient avant la crise la capacité d’offrir un rendement élevé, comme Axa (8%) ou encore Total (8,5%). Dans un contexte de reprise, qui se traduirait pour le premier par une baisse de la sinistralité, et pour le second par un rebond des prix du pétrole autour de 40-50 dollars le baril, ces rendements sont crédibles et soutenables.
Dans le même ordre d’idées, Engie, dont l’activité est peu cyclique, offrait un rendement 2019 prévisionnel de 8% avant l’annulation de son dividende. Le groupe pourrait dès 2021 reprendre son versement, d’autant que son endettement est sous contrôle. On peut également citer Danone.
Que va devenir cette thématique de placement dans le futur ? Combien de temps faudra-t-il aux entreprises pour reconstituer leur capacité de distribution ?
Les groupes qui offrent des rendements élevés (Total, Orange, Engie) sont souvent des groupes à maturité forte, c’est-à-dire avec des revenus récurrents, mais à croissance faible, sans catalyseur à moyen terme.
A cette catégorie s’opposent « les aristocrates du dividende », ces entreprises qui années après années réussissent à faire progresser le montant de leur dividende, comme L’Oréal, EssilorLuxottica ou encore LVMH. Certes, les rendements sont peu rémunérateurs aujourd’hui, mais les perspectives bénéficiaires sont élevées.
Une des conséquences de cette crise est de réduire comme « peau de chagrin » ce compartiment. LVMH a ainsi interrompu 25 années de hausse continue de son dividende, et EssilorLuxottica s’apprête à faire de même. On juge en général ces sociétés sur la progression de leurs dividendes sur deux cycles économiques complets, il leur faudra donc le même temps pour retrouver ce statut.
Au total, 60% des groupes du CAC40 ont réduit ou annulé leur dividende, 25% l’ont conservé, et 15% ne se sont pas encore déterminés. Historiquement, les dividendes sont moins volatils que les bénéfices et baissent moins en période de crise. Leur repli s’établit en moyenne à 30% de la baisse des profits. Or ce n’est pas le cas cette fois-ci, avec un repli anticipé des bénéfices de l’ordre de 40 à 45%, et des dividendes dans le même ordre de grandeur de 40 %.
Le dividende joue traditionnellement un rôle de stabilisateur qui est en train de disparaître. C’est dommageable.
Même si interrompre une année la distribution du dividende n’a pas de conséquence sur la valorisation d’une entreprise, calculée comme la somme actualisée des dividendes futurs à un horizon de temps infini.
Le rendement du CAC 40, sur la base des prévisions de dividendes sur les 12 prochains mois, ressort d’ailleurs à 3,5%, ce qui correspond à la moyenne des 15 dernières années.
Et en dehors des grandes capitalisations, il existe des valeurs moyennes comme Rubis, un petit acteur du secteur de l’énergie, ou Imerys, le leader mondial des spécialités minérales pour l’industrie, qui offrent des rendements élevés et pérennes.