Se connecter S’abonner

Grand Paris, la révolution qui vient

Projet urbain, social et économique, la construction ou le prolongement de cinq lignes de métro automatique en banlieue va bouleverser l’Île-de-France. L’impact sur les prix de l’immobilier est encore limité, mais les opportunités d’investissement se multiplient.

Ligne 13 du métro, station Mairie-de-Saint-Ouen, 13 heures. Les gens se pressent sur le quai. Ils sont nombreux à s’engouffrer dans les wagons pour rejoindre la capitale. Quelques-uns, cependant, descendent à cette station. Se dirigeant vers la sortie principale, ils débouchent sur une petite place où trône l’hôtel de ville de la commune.

Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), plus de 47 000 habitants, est directement concernée par le Grand Paris, un projet colossal de développement économique et d’aménagement urbain articulé autour de cinq lignes de métro automatique qui devraient entrer en service entre 2022 et 2030, pour un coût évalué à 25 milliards d’euros. Il concerne Paris et plusieurs dizaines de villes de la petite et de la grande couronne. Outre le développement de pôles tertiaires, d’enseignement, de recherche et la construction de nouveaux logements (l’objectif étant de 70 000 par an pendant vingt-cinq ans contre 42 000 aujourd’hui), le Grand Paris fait également référence à la mise en place d’un nouveau maillage : le Grand Paris Express.

Créé par la loi du 3 juin 2010 sur le Grand Paris, le Grand Paris Express est le futur réseau de transports en commun en Île-de-France, qui comptera 68 gares de plus réparties sur quatre nouvelles lignes (15, 16, 17 et 18) et l’extension de la ligne 14. Concrètement, cela représente 205 kilomètres de lignes de métro à construire. À moyen terme, 90 % des Franciliens devraient habiter à moins de 2 kilomètres d’une gare.

« Située aux portes de Paris, la ville de Saint-Ouen va pleinement profiter du prolongement nord de la ligne 14. Le projet du Grand Paris devrait doper le marché de l’immobilier », souligne Patricia Rodrigues, directrice d’agence chez Nexity. Ici, le prix moyen s’établit à près de 4 500 euros, mais il a déjà progressé de plus de 5 % en un an. Situé à cinq minutes du métro Mairie-de-Saint-Ouen, l’écoquartier des Docks prend forme. Déjà en partie habité (plus de 2 000 logements ont été livrés entre 2014 et 2016), il s’étend sur 100 hectares dont 12 sont consacrés à un parc.

Outre la préoccupation environnementale, l’intérêt du projet réside en sa diversité et sa mixité. « Le quartier compte près de 20 % de logements sociaux, un foyer de jeunes travailleurs, des équipements scolaires, avec des rez-de-chaussée réservés aux commerces de proximité tels qu’un café ou une boulangerie », détaille la directrice d’agence.

Acteur historique de la ville, Alstom Transport a également installé son siège social dans le quartier. Emblème du projet, l’ancienne halle Alstom, qui date du début des années 1920, est d’ailleurs en cours de réhabilitation et accueillera à terme commerces et activités.

« Les personnes qui achètent ici sont essentiellement des jeunes cadres primoaccédants âgés de 25 à 40 ans. Mais si les premiers acheteurs habitaient déjà Saint-Ouen ou les environs, ceux qui achètent aujourd’hui viennent plutôt de Paris ou louent actuellement un appartement dans des départements limitrophes du nord de la capitale », souligne Patricia Rodrigues.

Pourquoi les personnes installées à Paris auraient-elles envie de venir vivre en banlieue ? Le Grand Paris vise à multiplier par deux le réseau de transports en commun actuel et doit permettre d’améliorer la qualité de vie des 12 millions d’habitants de l’Île-de-France.

Président de l’association Les Promoteurs du Grand Paris et gérant associé de MDH Promotion, Philippe Jarlot pose également un regard lucide sur le Grand Paris. « Les infrastructures (ferroviaires) de l’Île-de-France accueillent sur 10 % du réseau près de 40 % du trafic national avec l’obligation, à chaque fois, de repasser par Paris. Avec ce projet, le réseau de transport ne sera pas confluent vers Paris mais circulaire autour de Paris, résume-t-il. À nous, promoteurs, de nous positionner sur des projets pour créer de nouveaux quartiers aux abords des gares ; il y a une vraie réflexion à mener sur la politique urbaine. » Concernant les prix, l’impact est encore limité : « Les prix dans l’immobilier frémissent autour des emplacements des gares qui vont voir le jour, mais l’impact est encore faible. Quand les constructions sortiront de terre, ils progresseront. »

Jusqu’à présent, l’attrait de la banlieue se mesurait par rapport à sa proximité à la capitale. « Cela sera toujours le cas, mais avec le Grand Paris, des villes telles que Créteil, Villejuif, Romainville, Rosny, Villiers-sur-Marne… se “rapprochent” de Paris et des autres communes. Elles peuvent devenir attractives pour ce qu’elles sont, à condition de créer une offre immobilière adéquate. Il faut désormais repenser l’aménagement d’une ville autour de sa gare. »

Pour connaître l’attractivité immobilière des villes du Grand Paris et aider à bien choisir son logement, la Fnaim du Grand Paris vient de lancer un indice passant au crible 278 communes franciliennes en leur attribuant une note allant de 1 à 10 selon différents critères (transport, emploi, environnement, niveau de vie, sécurité, éducation…). Le Vésinet, Saint-Rémy-les-Chevreuse et Montesson s’imposent comme les trois villes les plus attractives du département des Yvelines. Pour l’Essonne, ce sont Soisy-sur-Seine, Boussy-Saint-Antoine et Gif-sur-Yvette qui arrivent en tête. Dans les Hauts-de-Seine, Chaville, Ville-d’Avray et Saint-Cloud sont en haut du classement. Les Lilas, Le Raincy et Noisy-le-Grand constituent le trio de tête en Seine-Saint-Denis, et Marolles-en-Brie, Saint-Maur-des-Fossés et Le Perreux-sur-Marne pour le Val-de-Marne. Enfin, Le Plessis-Bouchard, Cormeilles-en-Parisis et Saint-Leu-la-Forêt ont le meilleur indice d’attractivité du Val-d’Oise.

« Les premiers coups de pelle ayant été donnés l’année dernière, nous n’observons pas encore de tension ou de spéculation sur les prix de l’immobilier dans les villes qui vont accueillir les gares du Grand Paris. Nous sommes encore trop en amont, développe Didier Camandona, président de la Fnaim du Grand Paris. Mais l’homme ayant tendance à ne croire que ce qu’il voit, les prix pourraient évoluer extrêmement rapidement un ou deux ans avant la fin des travaux.