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La Fnac et Darty à l’heure allemande

AP Photo/Bob Edme)/NYOTK/17226322865246/1708141103

La famille Pinault, actionnaire de référence de Fnac Darty, vient de céder ses parts au géant allemand de l’électroménager Ceconomy. Une nouvelle page s’ouvre pour l’“agitateur culturel”, icône française de la vente de livres et de disques depuis plus de soixante ans.
 

Étonnante semaine, où l’on apprend à un jour d’intervalle que le groupe Fnac Darty est racheté par un géant allemand de l’électroménager, puis que les chantiers navals STX sont nationalisés, pour leur éviter de passer sous pavillon italien. Fnac Darty devient donc allemand : la famille Pinault a en effet annoncé avoir cédé l’intégralité de la participation (24,3 %) qu’elle détenait depuis plus de vingt ans, au groupe allemand Ceconomy. Avec ce rachat, le poids lourd germanique de la vente d’électroménager devient le premier actionnaire du groupe Fnac Darty, loin devant Vivendi (11 %). Le groupe Artémis, que préside François-Henri Pinault, a cédé l’ensemble de ses actions pour un montant de 452 millions d’euros. L’opération doit être conclue à la fin du mois d’août. « Cet investissement nous offre une exposition au marché français et au segment de l’électronique grand public, tous deux particulièrement dynamiques », s’est félicité le président directeur général de Ceconomy, Pieter Haas. En devenant l’actionnaire de référence du groupe français, Ceconomy obtient trois sièges d’administrateurs sur les douze que comprend le conseil.

La synergie entre les deux enseignes françaises porte ses fruits

Une première étape avant, peut-être, pour ne pas dire probablement, de monter au capital : l’accord passé entre Artémis et Ceconomy prévoit d’ores et déjà que si le groupe allemand achète des actions Fnac Darty à un prix supérieur à celui de la transaction avec la famille Pinault (70 euros par titre), il reversera un complément à Artémis.

Une vente logique pour Kering, filiale à 40,9 % d’Artémis, qui s’est déjà séparé de Surcouf, La Redoute, Printemps et Conforama, pour se concentrer sur le luxe et le “sport & lifestyle”. Kering, quarante-huit heures après l’annonce de cette cession, annonçait une croissance record de son chiffre d’affaires au premier semestre : 7,29 milliards, en hausse de 28,5 %, et une marge brute de 4,7 milliards, en progression de 31 %.

La Fnac pour sa part avait déjà tourné une première page de son histoire, en 2011, avec l’arrivée à sa tête d’Alexandre Bompard (qui vient de quitter ses fonctions pour partir présider Carrefour). Le distributeur de produits culturels et techniques était alors à la peine, fortement concurrencé par la montée en puissance du commerce en ligne, en premier lieu par le succès de l’américain Amazon. Suppression de 500 postes pour réduire les coûts, développement massif du numérique, ouverture de franchises, diversification dans l’électroménager : Alexandre Bompard a réussi à redynamiser l’enseigne et avait introduit la firme en Bourse, en 2013, au cours de 22 euros. À la surprise générale, il emportait, deux ans plus tard, la bataille boursière qui l’opposait à Conforama pour le rachat de Darty. En deux ans, des espaces de vente Fnac ont été installés dans les magasins Darty et vice versa. Une synergie qui commence à porter ses fruits. Et un titre qui monte en Bourse. L’action Fnac Darty atteint aujourd’hui 80 euros. La capitalisation boursière est passée, en quatre ans, de 365 millions d’euros à plus de 2 milliards ! Le groupe réalise un chiff re d’affaires de 7,4 milliards d’euros et, avec une part de marché de 23 %, est le premier distributeur d’électronique grand public français.

La direction, dans un courrier aux collaborateurs du groupe, a assuré que l’arrivée de Ceconomy n’entraînerait pas de changement et que le développement des deux enseignes serait poursuivi selon la même stratégie. Une page se tourne pour la Fnac, l’“agitateur culturel”, fondée, en 1954, par deux anciens militants d’extrême gauche, André Essel et Max Théret, dont l’objectif était de rendre les produits culturels accessibles au plus grand nombre. Elle sera désormais allemande.

QUI EST CECONOMY ?

Quasi personne ne connaît Ceconomy en France. Même outre-Rhin, son nom n’évoque pas grand-chose. Le groupe allemand Ceconomy, qui regroupe, entre autres, les enseignes Media Markt, Saturn et Redcoon, est né tout récemment (en février dernier) de la séparation en deux entités distinctes du groupe Metro. Celui-ci a gardé la partie libre-service de gros pendant que la partie loisirs et électronique échoyait à Ceconomy. Avec un chiffre d’affaires de 22 milliards d’euros et 65 000 salariés travaillant dans plus d’un millier de magasins, le groupe Ceconomy est le numéro un européen du commerce d’électronique grand public. Son enseigne phare, Media Markt, est présente dans 14 pays et totalise plus de 800 points de vente. Un groupe de premier plan, mais qui cherchait à s’affranchir de sa dépendance germanophone : jusqu’ici, plus de 58 % de son chiffre d’affaires dépendaient des marchés allemand, autrichien et suisse.

Auteur : Pochat Josée