« Le secteur des jeux vidéo offre une belle visibilité sur son activité, un atout rare aujourd’hui en Bourse »
Les Français confinés, quel que soit leur âge, jouent aux jeux vidéo ou regardent des séries en boucle sur les plateformes de streaming. Augustin Lecoq, Gérant Action chez Mandarine Gestion, nous dit comment jouer les secteurs des jeux vidéo et du divertissement en Bourse.

Les français – et il doit en être de même un peu partout en Europe – privilégient les jeux vidéo et les sites de streaming pour s’occuper en cette période de confinement. Comment cela se manifeste-t-il dans les faits ?
Augustin Lecoq : Les chiffres disponibles pour quantifier ce phénomène sont encore rares.
La plateforme de jeux vidéo américaine Steam publie chaque samedi sa fréquentation du jour. Elle est en hausse régulière. Samedi dernier, plus de 24 millions de joueurs se sont connectés en simultané dans le monde. Un record.
De leur côté, les opérateurs télécoms font écho d’une utilisation intense de leur bande passante même si cela inclut aussi leur utilisation pour le télétravail. Les consoles de jeux voient également leurs chiffres de ventes en forte hausse, et parfois même à des prix supérieurs à ceux en vigueur habituellement.
Les jeux vidéo présentent plusieurs intérêts – malgré le risque d’addiction -, dans cette période de confinement : une occupation pour les enfants qui assure de la tranquillité pour les parents pour travailler, un moyen de resserrer les liens sociaux entre les membres de la famille, – avec des jeux qui s’adressent à tous les publics -, ou avec des amis via des jeux en réseau (comme Fortnite par exemple).
Le secteur des jeux vidéo offre une belle visibilité sur son activité, un atout rare aujourd’hui en Bourse. Outre la vente de jeux, les éditeurs misent beaucoup sur le contenu additionnel qui leur permet de fidéliser plus longtemps les joueurs via des petites ventes à forte rentabilité. Il s’agit pour les jeux gratuits comme pour les jeux Premium d’achat d’extensions pour allonger la durée de vie du jeu ou pour le pimenter.
Le secteur est aussi en pleine concentration, de nombreux petits studios indépendants ont été rachetés au cours des dernières années.
Comment ces secteurs sont-ils représentés en Bourse ?
Augustin Lecoq : Outre Ubisoft, notre champion français de l’édition de jeux, issu de la belle « sucess story » des frères Guillemot, la cote française comprend une multitude de petits acteurs.
On peut citer Bigben Interactive, spécialisé dans la distribution d’accessoires pour les consoles de jeux vidéo, et sa filiale récemment introduite en Bourse Nacon, qui réalise des jeux et qui s’est développée à coups d’acquisitions de studios.
Focus Home Interactive est un distributeur de jeux : la société accompagne les studios de développement dans le financement de leurs projets, la mise en place des campagnes de marketing, etc, et touche en échange des royalties.
Enfin, toujours en France, Dont Nod est un éditeur innovant et reconnu, qui développe des jeux narratifs de niche, qui emmènent les joueurs dans un monde d’aventures.
Un des grands enjeux pour les éditeurs de jeux vidéo réside dans la tenue des délais de réalisation ; un décalage dans la sortie peut engendrer des problèmes (comme par exemple pour les jeux de sport devant sortir avant un évènement important). Deux sociétés, l’une anglaise (Keywords Studio), l’autre japonaise (Poletowin Pitcrew), aident les studios à développer, tester et déboguer les jeux avant leur commercialisation, limitant ainsi les dépassements.
En Europe, où l’écosystème est dense et varié, Codemasters, une société anglaise spécialisée dans les jeux vidéo de voitures, et Stillfront, un acteur suédois de jeux sur mobile, possèdent des profils atypiques et prometteurs.
A noter que les trois grands mastodontes du secteur, Activision Blizzard, Electronic Arts et Take Two, tous trois américains, ont connu un parcours en bourse remarquable sur la dernière décennie.
D’autre part, le secteur a connu des fortunes diverses en Bourse. Il y a des effets de mode sur certains acteurs, à l’instar du finlandais Rovio, qui possède la fameuse licence Angry Birds et qui est en panne depuis de nombreux mois.
Et dans le domaine du divertissement ?
Augustin Lecoq : Xilam Animation qui produit des dessins animés (et qui a aussi réalisé le film d’animation « J’ai perdu mon corps ») possède un modèle de développement résilient. Ses productions sont souvent préfinancées, comme par France Télévision qui possède en échange l’exclusivité de la diffusion pendant un an. Passée cette période, les dessins animés tombent dans le catalogue. Or les plateformes de streaming comme Netflix sont très demandeuses de ce type de contenus car il permet d’augmenter la rétention des clients, le nerf de la guerre pour elles.
Elles veulent également de plus en plus acheter des droits d’exclusivité pour garantir leurs approvisionnements. Autant d’éléments qui constituent des catalyseurs de croissance.
Dans le même ordre d’idées, Mediawan qui a initialement acheté le portefeuille de séries d’AB production et qui produit des séries Premium devrait aussi profiter de cette tendance de fond à moyen terme.