« Il y a des règles immuables à suivre pour investir en Bourse »
Sandy Campart est enseignant-chercheur à l’IUP Banque Finance Assurance - IAE Caen. Il est membre du CREM (CNRS) et est l’auteur de « Et si on osait investir en Bourse ? » paru aux éditions EMS. Il nous dit pourquoi les français s’intéressent à la Bourse pendant le confinement et quelles précautions il faut prendre pour investir.

Des courtiers en ligne font état depuis le début du confinement de nombreuses ouvertures de comptes titres et d’une augmentation des transactions boursières sur leurs plateformes. Dans le même temps, les encours des livrets réglementés sont à leur plus haut niveau.
Que faut-il en conclure ? Les épargnants français, réputés pour leur frilosité, se mettraient-ils aussi à investir en Bourse ? Ou est-ce un épiphénomène ?
Sandy Campart : Dans cette période de confinement, les investisseurs particuliers semblent en effet se montrer intéressés par la Bourse et acheter des actions en direct, via l’enveloppe fiscale qu’est le PEA, dont l’attrait a été renforcé par la loi Pacte, mais aussi via des comptes-titres classiques.
L’introduction en Bourse de la FDJ, qui a rencontré un grand succès cet automne, a donné l’occasion comme à chaque privatisation de remettre en avant les marchés actions, et peut-être redonner goût au risque.
Pour la plupart des Français, le confinement se traduit par des pertes de revenus, pour d’autres, c’est l’occasion de réaliser des économies, les dépenses consacrées aux loisirs, voyages, shopping, … étant réduites. Les premiers souhaitent compenser ce manque à gagner, les seconds se demandent pourquoi ne pas investir ces économies en Bourse. Disposant de surcroît de temps, ils se demandent pourquoi ne pas le faire en direct.
Il existe aussi chez certains d’entre eux l’envie de réaliser le « bon coup » en ces temps d’incertitudes boursières.
Il est aujourd’hui simple de placer son argent sur un marché boursier. En un clic, vous pouvez ouvrir un compte chez un courtier, et de la même façon, acheter ou vendre une multitude de titres.
De leur côté, les épargnants qui ont une forte aversion au risque, qui veulent que leurs placements soient sécurisés, se tournent bien évidemment vers les contrats d’assurance vie en euros. Certains ont dû d’ailleurs basculer une partie de leurs contrats en unités de compte vers des contrats en euros après la baisse récente des marchés.
Une partie des excédents qui dormaient dans les comptes courants ont dû aussi être transférés vers les livrets réglementés, et notamment le Livret A. Ce qui pourrait expliquer le niveau record des encours.
Les marchés semblent se stabiliser. Est-ce le bon moment pour investir en Bourse ?
Sandy Campart : Les marchés ont fortement corrigé depuis le début de l’année. Il est difficile de dire si un point bas a été atteint ou pas, ou s’ils peuvent encore dévisser. Les plus hauts et les plus bas ne veulent pas dire grand-chose en Bourse.
C’est d’autant plus difficile de faire une prévision pour cette crise inédite qu’il n’existe pas de repère historique, de comparaison possible. Ce qui crée un biais cognitif dans la mesure où les investisseurs ont besoin de repères.
Il n’y a aucune visibilité sur la sortie de confinement, or c’est d’elle dont dépend un rebond durable des marchés boursiers.
Les marchés ne réagissent plus aujourd’hui aux chiffres macro-économiques, ne prêtent plus guère attention aux mesures des banques centrales, qui portent pourtant la création monétaire à un niveau jamais atteint, mais sont focalisés sur les chiffres de l’épidémie : le solde net d’admission dans les hôpitaux, le nombre de contagions et de décès, …
Les investisseurs ne sont plus en mesure d’analyser les perspectives bénéficiaires des entreprises, or ce sont les flux actualisés des profits futurs qui constituent les valorisations des groupes cotés.
Dans ce contexte, se projeter sur la reprise économique n’est pas aisé ; il existe de nombreuses incertitudes portant sur la profondeur de la récession, sur la montée du chômage, … Les marchés ne sont pas à l’abri de la moindre mauvaise nouvelle laissant à penser que cette période va se prolonger.
Comment de manière plus globale peut-on encourager les épargnants à investir sur le long terme ? Pouvez-vous nous donner quelques conseils pour jouer en Bourse ?
Sandy Campart : Il faut de la pédagogie, de la formation et du partage d’informations. La culture économique, financière et boursière est trop peu répandue chez les français. Il est nécessaire de les former et de les sensibiliser aux concepts boursiers.
Au-delà de ces considérations, il y a des règles immuables à suivre. Il ne faut investir en Bourse que l’épargne dont on n’aura pas besoin à court terme, et dans l’idéal, à un horizon de cinq ans. Beaucoup de particuliers viennent en bourse pour spéculer, faire un coup. Outre le fait que cela ne fonctionne que trop rarement, les épargnants ne profitent pas de la valorisation des actions à moyen terme. Pourtant, toutes les études le montrent. Les actions constituent la classe d’actifs la plus rémunératrice à moyen et long terme. Il faut donc se fixer un horizon de placement et si possible long avant d’investir.
Certains particuliers investissent comme ils « jouent ». Leur émotivité les empêche de prendre des décisions rationnelles. Il faut accompagner les titres de son portefeuille à la hausse, et il faut savoir couper ses positions quand ils baissent. Diversifier son portefeuille constitue une autre règle. Il faut miser sur des secteurs d’activités qui ne dépendent pas des uns des autres.
Enfin, n’investissez pas toute votre épargne au même moment, procédez à des achats de titres de façon échelonnée, progressive. Histoire de « moyenner » vos achats, d’éviter d’acheter à un point haut, même s’il se révèle transitoire.